Quantcast
Channel: Jean Le Cam – Sous les pavés, la mer
Viewing all articles
Browse latest Browse all 6

Le Vendée Globe doit garder sa magie, par Samantha Davies

$
0
0

La foule sablaise a été au rendez-vous à chacune des arrivées des skippers.

C’est la même conclusion depuis 1990 : quel Vendée Globe quand même ! Cette édition 2016/ 2017, clôturée par Sébastien Destremau qui, sauf malheur, devrait franchir la ligne d’arrivée le 10 mars 2017 entre 19h et 23h, n’a pas échappé à la règle.

Alors dans le désordre, on retiendra ce record à peine croyable d’Armel Le Cléac’h (74 jours, 3 jours, 35 minutes et 46 secondes), son mano-à-mano autour du monde avec Alex Thomson, la folle cavale à l’aveugle de Jérémie Beyou, 3e d’un Vendée qui ne l’aura pas épargné, le coup du Détroit de Bass de Jean-Pierre Dick, le Noël enchanté d’Alan Roura et Eric Bellion dans les mers du Sud, etc, etc, etc sans oublier les incontournables avaries qui pimentent la course et rendent fous les marins et les abandons toujours aussi cruels. Chacun des 29 concurrents compilera un catalogue de souvenirs, certains magnifiques et d’autres kafkaïens. Qui n’en aurait pas face aux éléments les plus primaires de notre Planète Bleue ?

Le Vendée Globe est une aventure humaine mais aussi technique. Et les enseignements ont été riches. La sauce avait été déjà été bien montée par nous, bloggers et journalistes, sur la confrontation entre IMOCA à foils et archimédiens – une guerre picrochroline qui n’a fait vibrer que le milieu de la voile, certes. S’il n’y a pas de doute possible sur l’issue du match, avec un top 4 dominé par les foilers, à y regarder de plus près le débat est loin d’être tranché.

Le débat qu’ouvre Samantha Davies se situe, lui, sur d’autres champs notamment la limitation de la communication à bord, le mode de qualification qu’elle a déjà évoqué précédemment, et le maintien d’une jauge ouverte. Tout un programme en guise de dernière chronique.


Armel, un vainqueur en pleurs.

« Comme tous les Vendée Globe, cette édition était vraiment super. Tirons un premier bilan en commençant par les constats. Le premier est la grande différence de temps écoulé entre le premier Armel Le Cléac’h et le dernier Sébastien Destremau (arrivé exactement 50 jours plus tard, ndSLPLM). Les écarts entre les plus gros budgets et les bizuths sont trop conséquents. Le deuxième est que ce sont l’expérience et la continuité qui ont récompensées le vainqueur de ce Vendée.

Sans ses deux précédentes expériences, Armel n’aurait jamais pu gagner cette année. Bien sûr, il avait le plus gros budget et un bateau neuf mais son approche était la même qu’il y a quatre ans et il a su garder l’essentiel de son équipe précédente. La pression était pourtant énorme sur ses épaules avec une étiquette de favori qu’il a assumée jusqu’au bout. Ses deux 2e place ne seraient pas restées dans l’histoire sans cette victoire. Ce titre, il le mérite et cela changera sa carrière, c’est certain. Alex Thomson, qui a déjà terminé un Vendée Globe à la 3e place en 2012 et abandonné deux (2004 et 2008), va revenir en 2020 – si sa femme lui permet (!) – avec cette même étiquette de favori. Et il l’assumera aussi.

Des qualifications plus sélectives

Avec 29 bateaux au départ, le Vendée a battu un autre record. La course est maintenant confronté à un nouveau problème : faut-il limiter le nombre de participants ? La question ne s’est encore jamais posée mais il faudra peut-être y penser. La magie du Vendée est d’avoir des projets d’aventuriers comme celui de Rich, Alan, Eric, Conrad… Romain [Attanasio, son mari] a eu de la chance d’arriver aux Sables à la pause déjeuner et sous le soleil. Toutes les personnes présentes au bord du chenal ne venaient pas des Sables. Certaines venaient de très loin. Elles avaient créé un lien fort avec son aventure.

Je pense qu’une majorité du public, pas forcément spécialiste, préfère ces projets d’aventuriers à ceux des vainqueurs. Depuis la création du Vendée, moins de 100 skippers ont bouclé la course et c’est uniquement la « prototypie » (jauge ouverte, ndSLPLM) de la classe qui l’a permis. En adaptant techniquement le bateau à son niveau et ses besoins, on admet tout type de projet au Vendée Globe. Ce n’est pas le cas par exemple de la Volvo Ocean Race, où l’organisateur a adopté la monotypie (jauge fermée, ndSLPLM) et donc de prendre le parti d’être exclusif.

Arnaud Boissières, Fabrice Amedeo, Rich Wilson, Eric Bellion et Alan Roura, cinq projets « Aventuriers » qui ont fait vivre un autre Vendée.

Un exemple : si les femmes reviennent sur le Vendée Globe, elles doivent avoir l’opportunité d’avoir des bateaux performants et pas être seulement un plan comm’ ! Elles doivent avoir les mêmes chances de victoire. Aujourd’hui, si elles ont les moyens financiers, elles peuvent projeter un bateau performant, adapté à leur physique, leur confort et leur façon de naviguer. La question d’adopter la monotypie en IMOCA se pose et les dangers de voir le Vendée changer sont réels. L’objectif serait de limiter le nombre de bateaux trop vieux et pas assez performant.

Pour moi, c’est le mode de qualification qu’il faut changer. Cette année, j’ai trouvé les modalités un peu trop faciles même si ça a aidé de nombreux skippers à se qualifier, dont Romain. En 2008, il fallait terminer une transatlantique en passant par le 50°N. Je l’avais fait. J’avais mis 3 à 4 semaines. C’était très long et très dur. Cette année, les qualifications n’apportaient pas des preuves suffisantes en matière de sécurité.

Rendre les qualifications plus difficiles permettrait d’augmenter le niveau général, aux skippers de faire plus de milles et d’avoir plus confiance en leur bateau, de le tester et donc d’avoir moins peur de casser. On obtiendrait alors un groupe plus homogène avec des écarts moins importants, ce qui sécuriserait la course avec la possibilité pour les coureurs d’être secourus par leurs concurrents dans le Sud.

Comme tous les autres skippers, avant de partir Didac Costa a signé une déclaration sur l’honneur qu’il ne bénéficierait d’aucune aide extérieure.

Une communication plus surveillée

Il faut aussi, à mon avis, repenser les règles de l’assistance. Le Vendée est une course autour du monde en solitaire, sans escale et sans assistance. Chaque team signe une déclaration sur l’honneur. Pourtant on sait que certaines équipes ont des budgets qui leur permettent d’être connectées en permanence à internet. Je n’accuse personne mais on peut se poser des questions sur la nature informations qu’ils peuvent recueillir en permanence.

Sur la Volvo Ocean Race, le règlement est beaucoup plus strict avec des interdictions de se connecter et des communications contrôlées. En solitaire, on ne peut pas interdire ce lien avec la terre mais il faut réfléchir à restreindre la connexion à internet. Cela permettrait ainsi de réduire les budgets des équipes et de contrôler les communications entre les skippers et leur team. Pourquoi ne pas faire un pot commun qui financerait à parts égales la communication pour tous les teams ?

Concernant les foils, on a vu qu’ils ont fait leur preuve. Mais il y a plusieurs questions concernant leur lien à la performance des bateaux. On a vu qu’Alex Thomson a réussi à accrocher Armel sur toute la course avec seulement un foil. On ne sait pas non plus combien de fois les skippers les ont utilisés. Je ne pense pas qu’on va vers des changements radicaux dans le design des bateaux mais il faudra bien entendu apprendre de cette édition.

Jérémie Beyou, coup de cœur de Sam.

Les coups de cœur de Sam

 Jérémie est – bien sûr après Romain ! – celui qui m’a le plus impressionné. Il est un pur régatier du circuit Figaro. C’était la première fois qu’il était en course autour du monde (abandon en 2012) et pas dans des conditions de rêve. Il a peut-être gueulé et avalé sa fierté mais il a tout fait pour continuer. Il a réussi à gérer tous ses problèmes. Il a fait une très belle trajectoire et de belles vitesses alors qu’il lui manquait beaucoup d’outils à sa disposition après la perte de ses antennes satellites. Il a montré une belle ténacité. Il mérite de loin sa place sur le podium. C’est vraiment un exemple à suivre pour moi en terme de performance.

En terme de communication, Alex Thomson a vraiment bien géré. Son approche était pourtant simple mais il s’est fait plaisir ! Et il a fait beaucoup de vidéos pour l’école de son fils. Aujourd’hui, la technologie permet de réaliser des vidéos très sympa avec un smartphone. C’est de plus en plus simple de gérer ça soi-même et plus facile pour le public de vivre les émotions des skippers, sans filtre et sans media-man. C’est sûr, c’est souvent pas très bien cadré ou pas très joli à regarder mais c’est ça que les fans cherchent. Du brut et de l’aventure. »


Samantha Davies (Vendée Globe 2008 et 2012, Volvo Ocean Race 2014) collabore au sein de The Magenta Project, une organisation qui soutient les sportives dans la voile professionnelle et promeut le rôle positif des femmes dans la société.

Propos recueillis par Emmanuel Versace

Le 18 « vainqueurs » de cette 8e édition du Vendée Globe (2016/ 2017)

1er – Armel Le Cléac’h (Banque Populaire) : 74 j 03 h 35 min 46 s

2ème – Alex Thomson (Hugo Boss) : 74 j 19 h 35 min 15 s

3ème – Jérémie Beyou (Maître CoQ) : 78 j 06 h 38 min 40 s

4ème – Jean-Piere Dick (Virbac-Saint Michel) : 80 j 01 h 45 min 45 s

5ème – Yann Eliès (Quéguiner-Leucemie Espoirs) : 80 j 03 h 11 min 09 s

6ème – Jean Le Cam (Finistère Mer Vent) : 80 j 04 h 41 min 54 s

7ème – Louis Burton (Bureau Vallée) : 87 j 21 h 45 min 49 s

8ème – Nándor Fa (Spirit of Hungary) : 93 j 22 h 52 min 09 s 

9ème – Eric Bellion (Comme un Seul Homme) : 99 j 04 h 56 min 20 s

10ème – Arnaud Boissières (La Mie Câline) : 102 j 20 h 24 min 09 s

11ème – Fabrice Amedeo (Newsrest-Matmut) : 103 j 21 h 01 min 00 s

12ème – Alan Roura (La Fabrique) : 105 j 20 h 10 min 32 s

13ème – Rich Wilson (Great America IV) : 107 j 00 h 48 min 18

14ème – Didac Costa (One Planet One Ocean) : 108 j 19 h 50 min 45 s

15ème – Romain Attanasio (avec Sam) (Famille Mary – Etamine du Lys) : 109 j 22 h 04 min 00 s

16ème – Conrad Colman (Foresight Natural Energy) : 110 j 01 h 58 min 41 s

17ème – Pieter Heerema (No Way Back) : 116 j 09 h 24 min 12 s

18ème – Sébastien Destremau (TechnoFirst – faceOcean) : 124 j 12 h 38 min 18 s


Viewing all articles
Browse latest Browse all 6

Latest Images





Latest Images